Fortuna et Virtù , deux notions indépendantes à l’origine de l’action.

Afin de prendre, conserver puis stabiliser sa position, l’on doit faire preuve de Virtù , pour s’adapter au mieux aux aléas de la Fortuna . En effet, c’est l’art de bien gérer mais aussi celui d’apprendre à se maintenir dans une situation ouverte à tous les retournements.

La Fortuna est une nécessité extérieure à laquelle il faut généralement répondre dans l’urgence. Cela illustre la part d’imprévisible avec laquelle les acteurs doivent composer. Aussi l’action ne saurait se ramener uniquement à l’imposition d’une volonté, même la plus déterminée ; les intentions ne suffisent pas et la réussite de l’action suppose donc quelque chose de plus que la volonté. La Fortuna dicte sa loi à ceux qui abdiquent devant elle et ne lui opposent rien : « Là où défaille la Virtù des hommes, la Fortuna porte ses coups les plus efficaces ».

La Virtù est l’autre versant de la pensée de l’action. Elle doit avant tout être comprise comme la capacité d’imposer sa volonté à la Fortuna . Aussi, c’est la souplesse plus que la rigidité ; la Virtù implique que les acteurs sachent avant tout s’adapter aux circonstances. Ainsi se recommande une conduite pragmatique de l’action ; une conduite qui sache adapter l’action à la contingence des circonstances.

La Fortuna est une force non humaine, la chance, bonne ou mauvaise, qui intervient dans les affaires humaines. La Virtù renvoie à une disposition humaine de réaction, ou de non réaction, face à l’événement. S’exerçant dans et à travers la Fortuna , la Virtù est au cœur de l’art du prince.

La Virtù renvoie à la force de la volonté humaine en tant qu’elle tente de s’imposer et de s’adapter au caractère imprévisible et changeant des événements extérieurs, le hasard constituant la fortune. C’est l’art de l’instant favorable, de l’occasion propice, en associant la Fortuna à la Virtù .

Il n’y a pas de Virtù qui ne s’exerce sans l’occasion fournie par les circonstances, autre connotation de la notion de fortune, mais c’est moins l’occasion qui fait la Virtù que la Virtù  qui sait apprécier la situation présente et en tirer parti.

La Fortuna désigne la mutabilité des choses humaines, elle est régie par une causalité imprévisible, et engendre les accidents de l’histoire dans leur apparence désordonnée. Elle est donc une entrave pour l’homme d’action, mais s’il sait la maîtriser ou la dompter par la Virtù dont il fait preuve, elle deviendra un auxiliaire de ses actes. Ainsi les virtuosi, les grands hommes d’action, sont ceux qui se montrent capables de créer, par leur Virtù , les situations, et d’affronter courageusement la Fortuna qu’ils peuvent faire basculer à leur avantage. On voit que la Virtù est ici un mélange d’audace et d’intelligence pragmatique.